Il y a plus important que les cours! [PV Ambroise]

Eison avait décidé qu’aujourd’hui, il n’avait pas besoin d’aller à ses cours. Non, en effet, aujourd’hui, le cours du sorcier sur la télékinésie n’était d’aucun intérêt pour le jeune élève, qui croyait qu’il en savait assez sur la matière pour le moment (alors que ce n’était du tout le cas, c’était même le pire de la classe en télékinésie) et qu’il avait mieux à faire que de passer des heures avec le sorcier.

C’était la première fois qu’il séchait un cours; d’habitude, même s’il était de mauvaise humeur ou qu’il était tout simplement écœuré des sermons insensés du sorcier, il ne ratait jamais un seul cours. Il était tellement à l’heure que les élèves pouvaient se fier à lui pour savoir s’ils étaient en retard ― peut-être qu’aujourd’hui, il y aurait quelques enfants d’absents? Peut-être même que le sorcier lui-même se demanderait s’il y avait bien un cours en ce moment?

Mais Eison doutait vraiment que ce soit le cas. Après tout, la raison pour laquelle Eison n’assistait pas au cours, aujourd’hui, malgré que les ordres soient d’y aller à tous les jours ― ce qui était, après tout, la raison pour laquelle y ne manquait jamais ses cours (ou quoique c’était peut-être parce que c’était son devoir, en tant que futur petit soldat noir) ― c’était parce qu’il était fâché. Aujourd’hui, le jeune élève noir n’avait pas son sourire qu’il gardait presque en permanence. Non, aujourd’hui, il y avait une exception à la règle, parce qu’il était en colère contre le sorcier enseignant.

Eison se faisait battre souvent à la Forteresse Impériale, ce n’était rien de nouveau, il se faisait presque battre à tous les jours, par les sorciers, les servantes, les soldats, qui que ce soit, mais cette fois-ci, il trouvait que c’était trop. Qu’il n’avait pas mérité de se faire battre.
Et… c’était vrai. Cette fois-ci, il n’avait rien fait. Ce n’était pas lui qui avait renversé le chaudron de potion du sorcier, mais un autre élève, qui ne contrôlait pas ses pouvoirs. Pourquoi Eison était à côté du chaudron, à ce moment-là? Il ne se souvenait plus, et pour lui ce n’était même pas ce qui était important. Tout ce qu’il savait, c’était que ce n’était pas lui qui avait renversé le chaudron, et ce n’était pas à lui de ramasser les dégâts.

La veille, lorsque l’incident s’était produit, il avait menacé l’élève de ses poings, en empoignant son collet et levant haut sa main libre, prêt à le tabasser. Il avait crié sur le jeune enfant qu’il était une… mauvaise personne, en gros, dans de pas très jolis mots. Il lui avait dit que si le jeune enfant voulait être un chevalier, il ferait mieux d’apprendre à maîtriser ses pouvoirs tout de suite, ou de ne pas les utiliser, comme Eison, et qu’il allait devoir ramasser la potion à terre.

Malheureusement pour Eison, et bien heureusement pour le jeune élève, le sorcier arriva au dernier instant, lorsqu’il avait vu le poing du jeune Daraxyn dans les airs, avec la potion répandue partout sur le sol, menaçant un plus jeune, plus doué que lui pour qu’il ramasse le dégât. Le sorcier frappa alors de toutes ses forces le petit démon, qui se cogna la tête contre le chaudron renversé. Puis, de ses grandes mains, il l’attrapa par le cou, l’étranglant presque, et l’amena dans une autre pièce, séparée des autres élèves, afin qu’il puisse lui donner une « correction », pour ensuite l’enfermer là. À la fin du cours, il lui lança une serpillère et lui ordonna de ramasser le dégât « qu’il avait causé ».

Bien entendu… Eison le fit; c’était un ordre. Mais même à cela, il n’apprécia aucunement le traitement injuste qu’il reçut. S’il avait vraiment renversé le chaudron, peut-être qu’il aurait été tout souriant en ce moment, mais là, non; c’était vraiment trop injuste. Pourquoi l’accusait-on tout le temps? Il n’avait jamais renversé de chaudrons de potions auparavant! Il n’avait jamais menacé quelqu’un de faire une tâche à sa place, de nettoyer ses dégâts à lui! Le sorcier avait-il une opinion si basse de lui? Eh bien lui aussi, il le haïssait à mourir, ce fichu sorcier! Il pouvait bien crever, oui!

― RÂÂÂÂH! cria-t-il en donnant un coup de pied dans le sable de la plage, déterrant quelques cailloux qui s’empressa de kicker, défoulant sa rage sur tout ce qui avait sur la plage. Il voulait en réalité donner des coups de poings, sur quelque chose de vivant, comme l’élève qui l’avait mis dans le trouble, ou même le sorcier, même si ce n’était pas une chose à faire. Cela ne l’aurait jamais dérangé de se battre avec un autre élève, il l’avait sûrement déjà fait même (ne lui demandez pas avec qui, par contre, il avait de la misère à se rappeler des visages des autres élèves, tellement il ne portait pas attention à ses cours), mais même s’il avait déjà voulu se battre avec le sorcier, il ne l’avait jamais fait.

(En fait, il le faisait pratiquement à chaque fois, donc quasiment à chaque jour. C’était juste que pour lui, donner des coups de pieds et de poings quand on se faisait attraper par le sorcier n’était pas se battre avec quelqu’un, mais bien se défendre contre lui. Il n’avait aucune idée qu’il était la raison pour laquelle le sorcier avait mal au dos et avait plusieurs bleus, et que depuis qu’Eison était… « apparu », le sorcier était maintenant beaucoup plus résistant et fort physiquement.)

Cette fois-ci, en ce moment, c’était tout ce qu’il voulait; tuer le sorcier. Il voulait que l’adulte souffre plus qu’un vulgaire insecte auquel on arrachait tous les membres, un par un, lentement, drainant tout son jus pour ensuite le brûler vif, et l’écraser sans pitié. Il voulait qu’il ressente toute sa haine et toute l’injustice que subissait le jeune élève en ce moment. Il voulait le frapper jusqu’à ce qu’il ne ressente plus ses mains, ses bras, son corps, toutes ses émotions, sa colère. Il voulait que tout disparaisse et que toute sa colère s’en aille. Il voulait le néant pur, rien d’autre.

Il se laissa tomber sur le sable trempe, les deux pieds dans l’eau, les vagues coulant dans son pantalon. Il ramena ses genoux avec ses bras contre son torse, enfonça ses pieds dans le sable, s’encrant bien dans sa position assise, et plaça son menton sur ses genoux. Son cœur lui faisait mal, et s’il n’avait pas été comme il était, il aurait sûrement pleuré. Bien évidemment, il voulait détruire de quoi, frapper de quoi, mais il n’y avait pas grand-chose sur la plage, ou du moins, pas suffisamment pour lui. S’il y avait un dragon, il aurait sûrement osé s’y prendre. Il savait très bien qu’il n’avait aucune chance et que ce serait très stupide de sa part, mais il s’en fichait; tout ce qu’il voulait, c’était sortir le méchant d’en dedans.
Mais il n’avait aucune idée pour s’y prendre…

Le cours d'aujourd'hui était centré sur la télékinésie. Le sorcier qui leur servait de professeur leur avait annoncé le sujet du cours la veille, et déjà Ambroise savait qu'elle allait s'ennuyer. Sans pour autant être d'une grande fierté, Ambroise savait qu'elle était plus douée que ses camarades dans le domaine de la magie, et l'intérêt pas si subtil que lui démontrait son professeur le lui confirmait. Surtout quand il s'agissait de la télékinésie. En effet, Nectar n'avait jamais eu beaucoup de difficulté pour cette pratique magique et elle se doutait qu'elle allait se morfondre d'ennui pendant le cours.

Elle savait que son aura magique attirait les sorciers, car elle était bien puissante pour une simple fillette a demi aveugle, bien qu'étant médium. Cette aura était étrange, puissante et assez morbide. Ce qui n'étonna pas vraiment la petite fille aux cheveux corbeaux, vu que les Arklans n'avaient pas pour réputation d'être des anges. Et il n'y avait personne qui avait la même aura qu'elle dans la classe, cette aura qui la différenciait des autres élèves. Enfin... il y avait un garçon, qu'elle n'avait jamais vraiment vu. Quand elle était arrivée au palais, Ambroise était totalement aveugle, et donc ne conservait comme souvenir à propos de ses camarades que leurs auras et leurs âmes. Si elle avait tout de suite sentit que son aura coincidait avec celle du garçon, elle ne savait pas à quoi il ressemblait. Elle pouvait seulement dire que son âme n'était pas blanche, ce qui en somme n'était pas étonnant. Quand les sorciers lui avaient donné le "remède", elle avait retrouvé un temps soit peu la vue: elle ne voyait que les contours, en flou ( sauf si elle se concentrait), et surtout qu'en noir et blanc. Peu habituée à sa nouvelle vision, elle ouvrait très peu les yeux, et donc ne connaissait aucun détail physique du garçon. Elle savait juste qu'il se faisait disputer par le sorcier.

Se rendant en cours, longeant les murs, Ambroise se rendit compte que plusieurs personnes étaient déjà arrivées. Malheuresement pour elle, du à son problème de vue, la jeune fille ne pouvait que compter sur son horloge interne, qui bien que parfaitement réglée pouvait avoir quelques problèmes. Il n'était pas rare que la jeune fille arrive en retard aux cours. Mais aujourd'hui, ce n'était pas le cas. Entrant dans la classe, le professeur leur attribua des exercices indiviuels. Ambroise discerna l'objet qu'elle devait faire léviter et le fit, sans problème.

Ses sens accrus captèrent un bruit de froissement, et alors qu'elle se concentrait sur l'endroit, elle entendit le bruit d'un chaudron qui tombait par terre, et le produit à l'intérieur qui s'écoulait sur le sol. Elle entendit et sentit plus qu'elle ne vit cet étrange garçon prendre à corps l'autre qui avait commis la faute. Son language était assez grossier, et pourtant les oreilles d'Ambroise ne bourdonnèrent pas pour autant. Elle se dit juste qu'il était stupide de menacer un autre élève quand le sorcier arrivait, arivée qu'elle avait sentit très tôt, grâce à ses compétences raciales.

Ce ne fut pas surprenant d'entendre le sorcier prendre le garçon menaçant, le frapper, le bruit d'un choc contre le chaudron résonnant dans la pièce froide. Puis tout redevint calme. Et le sorcier revint pour éxaminer les autres élèves. Quand il parvint à la hauteur d'Ambroise, celle-ci le fixa de son regard pénétrant et presque aveugle. Des ténébres profondes comme l'enfer lui-même, les pupilles n'existant pas dans cet abîme. Voyant très bien que l'Arklan n'avait rien à apprendre dans la lévitation, il lui permit de partir, et de faire ce qu'elle voulait.

Plus tard, Ambroise se demandera si le sorcier n'était pas fou... laisser le porteur d'Irianeth dans une contrée dangereuse, seule... il risquait les ires de l'Impératrice...

Longeant de nouveau les murs, Ambroise revint dans sa chambre où elle trouva un livre que le sorcier leur avait demandé de lire. Quel idiot... elle ne pouvait pas voir les écritures, et il lui demandait de lire! Enervée, perdant d'un seul coup sa patience, Nectar fit voler le livre dans la pièce, entendant le livre s'écraser comme un misérable tas. Venant s'assoeir sur son lit, elle se mis en tailleur, et se ferma du monde extérieur, se plongeant dans le monde sensible, royaume où les Arklans régnaient en maître. Ses sens cherchèrent et trouvèrent. Un sourire sadique et sarcastique apparut sur les lèvres de la jeune fille. Une âme perdue... rien que pour elle.

Se levant, elle erra deux minutes dans les couloirs puis trouva l'âme avec laquelle elle allait s'amuser. Ambroise ne savait pas invoquer les âmes, mais elle avait découvert qu'elle pouvait, s'ils étaient faibles, les contrôler un temps soit peu. C'était l'âme d'un insecte venant de mourir et il était faible. Elle posa alors ses sens sur lui, et l'âme se "figea".

-Montre moi la plage....

Comme tout fantôme, il était incapable de résister à la volonté d'un Arklan et il "flotta" donc en direction de la plage. La jeune fille, venant d'acquérir cette nouvelle vue n'était jamais allée sur la plage, préférant la montagne, plus propice à la solitude. Pour toute personne extérieur, elle n'était qu'une fillette grande pour son page, noire et blanche. Blanche comme sa peau de neige et noire comme sa robe, yeux et cheveux.

Arrivant sur la plage, elle s'assit de façon à ce que ses genoux soient repliés contre elle et que la mer fraîche vienne envelopper ses pieds de temps en temps. Elle bougeait la bouche, formant des mots, mais rien ne sortait. Etant de nature peu bavarde, Ambroise n'aimait pas trop parler, et c'était pour quoi, elle ne prenait pas la peine de vocaliser ses pensées, le fantôme pouvant la comprendre ainsi. Nectar n'était pas encore assez puissante pour faire parvenir ses pensées au fantôme sans leur parler. Mais elle pouvait en se concentrant arriver leur faire comprendre ce qu'elle voulait sans parler, en formant sur ses lèvre les mots.

Puis elle ressentit son énergie à elle, qui était liée à une âme aux mauvaises intention. Comprenant rapidement qu'il ne s'agissait pas d'elle mais du fameux garçon, elle ordonna au fantôme d'aller voir ce qu'il se passait. D'après ce qu'elle pouvait sentir, il n'était pas très loin, et il était possible, même, qu'il puisse voir sa silhouette sombre sur le sable fin. Alors que le fantôme s'éloignait, Ambroise serra les lèvres. Elle n'avait pas encore l'habitude de ressentir une telle envie de meutre. Elle l'avait senti aussi quand l'insecte était venut tuer des gens de son village. Normalement, une personne émettait des intentions plus ou moins mauvaises, mais il n'y avait pas des envies de meutre. Son visage resta crispé, fermé, contrairement à ce masque vide d'émotion qu'elle maintenait facilement sur son visage.

Le fantôme revint, lui indiquant alors la situation. Puis, elle le laissa s'éloigner, mais remarqua qu'il ne s'éloigna pas. Les Arklans attiraient les fantômes, leur aura étant comme un aimant pour les faibles esprits. Même si Ambroise pouvait surement lire dans l'esprit de ce farçon, elle ne voulait pas le faire. Elle ne cacha pas non plus sa présence, et se demanda pourquoi il n'était pas en cours. Et de plus, la jeune fille était troublée de sentir sa propre énergie ( ils avaient véritablement la même) enveloppé de cette envie de meurtre. Si elle savait ce qu'elle allait devenir, soldat noir, Ambroise n'avait jamais ressentit elle-même des envies de meutres. De toute façon, à quoi cela servirait-il de s'exciter comme cela et de vouloir faire disparaître un être? La mort n'empêchera pas Ambroise de poursuivre sa cible, bien au contraire.

Sentir cette énergie, et cette envie... C'était comme si elle-même voulait tuer quelqu'un...